26/10/2025 ssofidelis.substack.com  5min #294502

Che Guevara et la Palestine : quand la révolution latino-américaine rejoint l'esprit de la Résistance palestinienne

Ernesto Guevara en juin 1959 dans la bande de Gaza alors sous administration égyptienne @AlMayadeen English

Par  Dr Rassem Bisharat pour Middle East Monitor, le 26 octobre 2025

Il y a plus d'un demi-siècle, le 9 octobre 1967, le fusil du révolutionnaire argentin Ernesto "Che" Guevara s'est tu dans les montagnes boliviennes. Pourtant, l'écho de ses mots est toujours vivant dans les pays du Sud, des Andes aux camps de réfugiés de Gaza.

Aujourd'hui, 58 ans après sa mort, la question se pose à nouveau : quel est le lien entre ce médecin argentin qui a combattu dans la résistance cubaine, et le peuple palestinien, qui résiste à l'occupation depuis des décennies ? Ce lien est-il purement symbolique, ou la pensée du Che fait- elle écho à la pensée révolutionnaire palestinienne ?

De Buenos Aires à la Sierra Maestra, puis à Gaza

Ernesto Guevara de la Serna, plus connu sous le nom du Che, est né en Argentine en 1928. Il a abandonné ses études de médecine pour se consacrer à ce qu'il appelait "guérir le monde de l'injustice". Son voyage à travers l'Amérique latine l'a transformé en l'une des figures clés de la révolution cubaine de 1959 qui a renversé le régime de Batista soutenu par les États-Unis.

Mais Guevara ne s'est pas contenté de la victoire de Cuba. Il croyait que la véritable révolution ne connaît pas de frontières, déclarant que "toute véritable révolution est une guerre de libération contre le colonialisme".

Cette vision internationaliste allait finalement ouvrir la voie à une rencontre symbolique entre lui et la Palestine. En juin 1959, quelques mois seulement après le triomphe de la révolution cubaine, Che Guevara est arrivé dans la bande de Gaza, alors sous administration égyptienne.

Bien que sa visite n'ait duré que deux jours, elle revêtait une signification profonde. Il a visité les camps de réfugiés d'Al-Bureij et d'Al-Nuseirat, rencontré les principales personnalités de la résistance palestinienne et visité plusieurs camps d'entraînement dans la bande de Gaza.

Des photos de lui parmi les tentes des réfugiés ont rapidement circulé dans les journaux internationaux, plaçant la Palestine sur la carte des "mouvements de libération mondiaux".

La visite du Che a établi un lien entre la lutte contre l'impérialisme en Amérique latine et la lutte contre le colonialisme sioniste au Moyen-Orient. Il a été le premier dirigeant mondial à traiter les Palestiniens comme un mouvement de libération nationale, et non comme une simple question humanitaire.

L'historien et chercheur palestinien Salman Abu Sitta a plus tard décrit cette visite comme "l'événement historique qui a marqué le début de l'internationalisation de la cause palestinienne".

De Guevara aux fedayins : des racines profondes en pensée et en pratique

Au cours des années 1960 et 1970, les factions palestiniennes, en particulier le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), ont commencé à adopter la rhétorique internationaliste inspirée par les idées de Che. Son portrait était brandi dans les camps de réfugiés, accompagné de chants reprenant son slogan immortel : "Pour toujours, jusqu'à la victoire".

De nombreux cadres palestiniens ont été formés selon la théorie du foco (foco désignant un petit noyau révolutionnaire), la stratégie développée par Che à Cuba et en Bolivie : de petits groupes sur le terrain capables de déclencher un soulèvement de masse. Certains camps d'entraînement palestiniens au Liban ont même été baptisés "Camp Che Guevara".

À ce jour, le nom de Che reste ancré dans la mémoire populaire palestinienne : des rues et des cafés à Gaza et en Cisjordanie portent son nom. Des fresques murales le représentent aux côtés de Gamal Abdel Nasser et Yasser Arafat, et dans le camp de réfugiés de Nuseirat a été créé le Che Guevara Cultural Club, fondé par des jeunes des années 1990.

Si son influence est souvent qualifiée de symbolique, les historiens soulignent qu'il est une composante essentielle du pouvoir révolutionnaire lui-même. Tout mouvement de libération a besoin d'icônes qui transcendent la géographie pour être source d'inspiration.

À l'occasion du 58e anniversaire de sa mort, les mots du Che résonnent encore dans la mémoire collective à Gaza et en Cisjordanie : "Si je reviens, ce sera avec tous les pauvres qui ont cru en moi".

C'est peut-être pour cette raison qu'un graffeur de Khan Younis a un jour écrit sous son portrait : "Guevara n'est pas mort en Bolivie... il vit dans chaque rue qui résiste à l'occupation".

Conclusion : quand les révolutions convergent

L'histoire du Che en Palestine n'était pas une simple visite diplomatique, mais plutôt la rencontre symbolique de deux révolutions partageant un même objectif : la liberté.

Des montagnes de la Sierra Maestra aux camps de réfugiés de Gaza, le Che a incarné l'idée que la révolution n'a pas de nationalité et que la justice est indivisible. "Partout où règne l'injustice", a-t-il dit un jour, "chaque être humain a le devoir de la combattre".

En sa mémoire, rappelons ses propres mots, qui restent aujourd'hui plus urgents que jamais : "On ne peut pas se fier à l'impérialisme, pas même une seule seconde. Pour toujours, jusqu'à la victoire".

Traduit par  Spirit of Free Speech

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